J’ai 26 ans, je suis sorti de l’école à 18 ans, j’ai passé un CAP de cuisine. J’ai toujours fait un peu de mécanique à droite à gauche, le week-end, sur des mobylettes mais je ne me suis jamais dit : je vais en faire mon métier, passer un bac pro. Pour ramener de l’argent à ma famille, je me suis lancé dans n’importe quelle branche : un peu d’intérim par-ci par-là, de la vente, de la maçonnerie, de l’électricité, j’ai travaillé à l’usine, à la chaîne, déchargé des camions, j’ai été paysagiste, préparateur de commandes. Au moment où j’ai passé les tests Turbo, je ne pensais pas arriver jusqu’à l’examen. Pas du tout. J’ai été de surprise en surprise. Je ne voulais rien prévoir, et finalement, ça m’est tombé dessus, c’est le destin, c’est comme ça. Pourtant, dès la préformation, j’ai su que ça me plairait. En discutant avec les équipes, j’ai découvert que l’entreprise était implantée en Afrique, en Algérie où ils ont de vrais besoins en SAV, et je me dis que j’ai toutes mes chances là-bas. Le RH m’a conforté dans mon idée. S’ils me gardent, je pourrai peut-être partir en expatrié, pour renforcer leurs équipes, il y a de belles opportunités de carrière… Je me vois bien faire ça. La mécanique est une langue universelle, on peut exercer dans n’importe quel pays : devant un moteur qu’on parle espagnol, français ou arabe, c’est un moteur. Pour moi le plus difficile, ça a été les attentats du 13 novembre. Je me suis converti à l’islam. Depuis mai, j’ai laissé pousser un peu ma barbe, et les gens ont commencé à se poser des questions, ça les a interpellés. J’ai répondu franchement. Je ne cache rien, je suis à l’atelier comme je suis à l’extérieur, je ne joue pas de jeu. J’ai d’ailleurs essayé différents types de métiers pour voir comment concilier mes deux priorités, l’emploi et la religion, travailler et pratiquer. J’espère qu’ils ont changé leur regard en me voyant pendant tous ces longs mois. De mon côté, je fais mon travail, je n’embête personne. D’avoir réussi à faire cette formation jusqu’au bout, ça m’a rendu plus mature, posé. Même les gens de ma famille, mes proches ont remarqué que j’étais différent. Si on ne m’embauche pas, je changerai sans doute de branche, car j’aimerais avoir encore d’autres cordes à mon arc. J’aime bien bouger, je ne compte pas rester ici en France.